Description
Philippe RICHARD.
Publié le 25/05/2023 à 17h57
https://www.ouest-france.fr/
Les hypothèses s’affinent, les obstacles sont nombreux mais jamais on n’a autant étudié des symptômes post-infectieux. Et c’est un gros progrès dit l’infectiologue Olivier Robineau, l’un des référents français du sujet.
Le Dr Olivier Robineau est infectiologie au Centre hospitalier de Tourcoing (Nord). Il coordonne plusieurs études sur le Covid long. Il est l’un des référents du sujet pour l’agence sanitaire ANRS maladies infectieuses émergentes
S’entend-on sur une définition du Covid long ou plutôt de l’affection post-Covid-19 ?
La définition de l’OMS (publiée fin 2021) est très large mais a le mérite d’exister. Elle atteste que le phénomène est réel, si des personnes en doutaient encore. L’enquête de Santé Publique France (publié en juillet 2022) qui disait que 2 millions de Français souffraient de Covid long (au moment de l’étude en mars-avril 2022) a été l’une des seules études à prendre pleinement en compte cette définition. La plupart des autres travaux ne mesuraient pas, par exemple, l’impact sur la vie de tous les jours.
Cela est un frein à une recherche fiable ?
Le problème de la variabilité des définitions initiales du Covid long fait qu’il est difficile de les comparer entre elles. Un gros challenge est maintenant de réussir à étudier des groupes de patients homogènes, du point de vue des symptômes et des plaintes.
Quels sont les autres principaux défis ?
Il y en a trois : réussir à répliquer ce qui a déjà été publié, réussir à faire des études sur des patients ambulatoires et pas seulement sur des patients sévères… Et aller dans le tissu, c’est-à-dire faire des biopsies, notamment du tube digestif, parce que c’est surtout là qu’il peut rester des virus
La persistance du virus, souvent évoquée, est-elle une piste solide ?
Tout dépend de ce qu’on appelle persistance ? Est-ce que c’est un virus encore actif et qui se réplique, ou est-ce qu’il reste des morceaux de virus, qui pourraient suffire à activer une inflammation. Aucune étude n’a montré de traces de virus vivant, par contre quelques études mettent en évidence des particules virales en plus grand nombre. Mais est-ce que c’est une cause ou un stigmate ? La plupart des gens faisant un Covid long ont eu une charge virale importante pendant leur infection. Le lien entre la persistance d’un virus dans l’organisme et les symptômes du Covid long n’est pas établi.
Quelles sont les autres principales hypothèses ?
Beaucoup sont associées à une réaction immunitaire à l’inflammation initiale. Qui entraîne par exemple des lésions vasculaires, des microcaillots. D’autres hypothèses envisagent que l’infection entraîne la production d’anticorps peu fonctionnels, qui provoqueraient des maladies auto-immunes. D’autres études explorent la réactivation virale, le coronavirus réveillerait des virus dormants, comme celui de la mononucléose ou le cytomegalovirus, qui induisent des symptômes de grande fatigue.
Sait-on quelle est la part de troubles psychosomatiques ?
La question de la part du trouble somatique fonctionnel est toujours très débattue. Le symptôme ne serait plus lié à anomalie inflammatoire, mais à un reconditionnement neurologique. Mais cela ne veut pas dire que ce n’est rien. S’il y a souffrance il y a quelque chose. Dans certains cas, des thérapies cognitivo-comportementales peuvent fonctionner pour diminuer les symptômes.
La proportion de personnes avec symptômes post-Covid a-t-elle beaucoup évolué ?
Oui, il y a eu diminution. En lien avec la vaccination et possiblement avec l’évolution des variants. Selon les travaux, 1 % à 15 % de personnes avaient encore des symptômes un an après l’infection. Santé Publique France a fait une nouvelle étude fin 2022, dont on attend les résultats.
Les associations de patients se plaignent d’une prise en charge défaillante, même si des consultations ont ouvert un peu partout…
Elles ont raison. Mais cette maladie s’est rajoutées aux autres, dans un système de santé saturé. Même avant le Covid, les prises en charge en rééducation étaient saturées. Il est très difficile de trouver des places. Sans doute faut-il mieux se coordonner avec la médecine de ville, et que seuls les cas les plus difficiles soient adressés aux centres à parcours dédié. Ce sera aux décideurs de faire les bons choix, parce que l’on continuera à avoir des syndromes post-Covid.
Les personnes vulnérables qui ne se feraient pas vacciner sont les premières concernées ?
En tout cas, il a été démontré que la vaccination diminue la durée des symptômes du Covid long. De même que les traitements antiviraux pour les patients à risque de forme sévère. Un autre axe de recherche est d’évaluer l’impact de ces traitements sur les personnes sans risque majeur d’hospitalisation. Devraient-ils faire partie de la prise en charge initiale lors d’un Covid ?
Le Covid n’est plus une urgence de santé publique de niveau international. Cela va-t-il diminuer l’intérêt des chercheurs ?
Non. Beaucoup de projets sont en cours. De plus en plus de scientifiques travaillent sur le sujet. Le Covid pose des questions scientifiques passionnantes. Il peut également nous éclairer sur d’autres problématiques post-infectieuses, peu étudiées. Avec la grippe aussi, on connaît des symptômes post-infectieux. Et il faut absolument que nous nous préparions aux prochains virus.
La définition du Covid long selon l’OMS : Les symptômes doivent durer au moins 2 mois à partir du moment où une personne tombe initialement malade. Les symptômes peuvent persister depuis l’apparition de la maladie ou survenir après le rétablissement initial. Les symptômes les plus courants sont la fatigue intense, l’essoufflement et le dysfonctionnement cognitif (confusion, trous de mémoire, manque de concentration ou de clarté mentale). L’affection post-COVID-19 peut avoir des répercussions sur la capacité d’une personne à mener à bien ses activités quotidiennes.
Philippe RICHARD.
Publié le 25/05/2023 à 17h57
https://www.ouest-france.fr/